Fin et Suite

La fin de l’Expédition Urbaine

J’ai terminé cette fabuleuse aventure urbaine par un sas entre deux modes de vie que j’ai déjà largement explorés dans ma vie: la routine et l’errance.

Et quel meilleur endroit que la nature pour faire transition dans sa vie.
J’ai commencé cette Expédition Urbaine par une nuit en forêt et j’ai voulu la clôturer dans cette même nature ravigotante.

Cette expérience s’est terminée le 19 juin au matin comme elle avait débuté, par une matinée froide. J’avais passé la nuit dans un poste d’observation de la faune situé sur l’ancien hippodrome de Groenendael. Même si nous nous approchions du solstice d’été, cette nuit m’avait parue longue, presque interminable. Elle était froide aussi.Lors de cette dernière nuit, je n’ai pas trouvé sommeil.
Tous ces visages rencontrés, toutes ces impressions vécues refaisaient surface.
Je suis revenu de très loin alors que tout cela s’est déroulé dans un périmètre de seulement 160 km carrés.

Et puis il y avait l’excitation de retrouver les miens aussi.

Après l’expérience, le partage

Je voudrais au travers de cette dernière expérience qui vient enrichir d’autres, démontrer à quel point le changement de regard est vecteur de perspectives. Comment ce qui est considéré comme étant routinier peut transmuter en ligne de force, en inspiration et en créativité.

Cela je voudrais vous le partager au travers d’un livre, d’un film, de conférences et des ateliers. Ce nouveau voyage du lâcher-prise m’a donné de nombreuses pistes concrètes pour comprendre que derrière chaque résistance, il y a une tension positive qui peut devenir une force.
Après l’expérience, vient le temps du partage, après la moisson, la récolte. Donnez-moi juste le temps de conditionner tous ces fruits, de les charger sur ma charrue et de vous les présenter sous peu.

J’en profite pour remercier toutes celles et ceux qui m’ont soutenus, sous quelque forme que ce soit, en m’accueillant, en m’adressant des paroles de courage ou en soutenant le fundraising pour la création du documentaire. Ils est encore toujours temps de le faire sur KissKissBankBank.

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La verticalité de la ville

Au fil de cette pérégrination urbaine, s’intensifie le sentiment que la traversée de toutes ces strates sociales sont autant d’invitations à explorer ce qu’elles suscitent en nous. Notre rapport au monde et ce qu’on y vit dépend de la qualité du regard qu’on lui porte.

Quittant les zones urbaines densément peuplées, je m’engouffre dans les zones périphériques de la Grande Fourmilière. Ce retour au vert m’enchante. Je découvre des endroits insoupçonnés qui me mènent en pleine nature

À Jette, j’emprunte un sentier pédestre qui longe une voie ferrée. Les habitations éparses laissent bientôt place à des étendues vertes de plus en plus grandes. Une gaité profonde s’empare de moi. Je me laisse porter par une joie onirique. J’avance dans un paysage qui invite au rêve, à la flânerie.

Contrairement à la ville, ici la rêvasserie n’est pas stoppée net par le hurlement d’un moteur ou d’une sirène. Dans cette campagne, la joie est à la mesure du paysage traversé. Elle pourrait être sans limite. Ce mois passé en ville m’avait presque fait oublier l’effet appaisant de la nature.

Plus le contexte urbain est vertical, plus celui-ci semble réfréner le temps. Pendant un moment indéfinissable je me laisse perdre dans mes pensées.
Au tournant d’un sentier, j’aperçois au loin une barre d’immeubles. Cette cassure visuelle étonnamment me procure une certaine joie, car elle me rappelle qu’un petit bout de paradis, n’est jamais bien lointain.
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Molenbeek – Woluwé, même combat

Cela aurait été plutôt invraisemblable que dans ce périple urbain, tous les soirs je trouve une porte qui donne sur une chaumière accueillante.
Cette incertitude au quotidien me plonge parfois dans le doute et dans la lassitude.
Après avoir passé deux semaines au sud du canal, j’explore la zone fluviale et celle du Molenbeek historique. Ces quatre dernières décennies, ce quartier a connu une énorme mutation. Il est fortement monoculturel.
Je tente la rencontre dans une demi-douzaine de mosquées. On m’y propose parfois la rupture du jeûne. D’autre fois on me regarde de haut en bas en me précisant: C’est une mosquée ici, Monsieur! 
Mon sac à dos n’aide pas, la caméra, je la laisse enfouie dans le fond du sac. Le ramadan, ne me facilite pas la tâche.
Jeudi soir 7 juin, lorsque j’arrive dans le quartier des Etangs Noirs, les possibilités pour trouver un logement semblent épuisées. Peu avant 20h, j’aperçois une porte ouverte qui donne sur une cour arrière. Des jeunes d’origines bigarrées discutent ensemble. Je m’engage dans la cour. Je leur demande l’hospitalité. Ils vont chercher ”quelqu’un” me disent-ils, et ce quelqu’un, c’est Wim Vandekeybus, choréographe mondialement réputé. Il m’écoute avec intérêt et m’invite à passer la nuit dans son studio Ultima Vez. Je suis épaté par ce foisonnement d’inspiration et d’ouverture, tellement rafraîchissant.
Quatre jours plus tard, je retraverse le canal, direction Woluwé Saint-Pierre. Là aussi, le soir venu, je suis à la recherche d’une porte donnant sur autant de germes d’ouverture. J’avais déjà essuyé quelques beaux refus: Mais Monsieur, que croyez-vous?
Finalement, tant qu’à s’adresser à des portes fermées, autant en trouver une avec un porche permettant d’être à l’abri.
Je dors sous le porche d’une église.
Molenbeek – Woluwé, même combat…
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L’écho du silence

La grande porte s’est refermée laissant derrière elle le brouhaha de la ville. Le grincement des charnières a laissé résonner dans l’immense espace de l’église, pour un temps encore, son emprunte sonore. Ce silence déchiré est comme une dernière tentative du bruit du monde de perturber ce qui l’oppose.

Je me suis laissé enfermer dans l’église Sainte-Marie de Schaerbeek pour passer la nuit.

Je me mets à marcher pieds nus entre les piliers massifs qui soutiennent le grand dôme. La nuit tarde à s’installer. Les vitraux regorgent encore de lumière.

Au loin j’entends la vie qui grouille dans ce quartier turc. Les musulmans s’apprêtent à la rupture du jeûne.

Dans un couloir qui mène à la sacristie, par une fenêtre qui donne sur la vie extérieure, j’aperçois un groupe d’hommes couchés sur le parterre bordant l’église. Ils mangent goulûment.

 

Un peu plus tard, je repasse par le même endroit et regarde distraitement. Ils ont disparu, mais pas les contenants de ce qui a mené à leur satiété. Le sol est jonché d’ordures. Tel un Quasimodo, scrutant derrière sa tour, j’essaie de les repérer sur la place. Ils sont partis. J’ai envie de hurler. Les lieux s’imprègnent de ce qu’on y fait. De ce qu’on y crie aussi.

Par respect pour mon hôte, je fais silence.

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L’antre de la lutte anarchiste

C’est au moment où je me disais que cette fois-ci j’allais devoir affronter une nuit dans la rue que j’ai  fait leur rencontre.

Je m’étais résigné à croire que je n’allais finalement pas avoir tous les soirs autant de chance. J’avais pourtant exploré de nombreuses pistes possibles, sondé bien des chemins qui auraient pu mener vers un refuge bienveillant pour passer la nuit.

J’avais passé une partie de l’après-midi dans une grande mosquée turque du bas de Saint-Josse. Lorsque la prière avait commencé, à compte goutte les fidèles s’agglutinèrent derrière l’imam. Je m’étais tenu à l’arrière de la salle imposante. Peu avant que la prière avait commencé, un homme semblait pourtant m’avoir pris sous son aile car il m’avait dit qu’il allait m’aider. J’étais confiant.

Une fois la prière terminée, il m’a alors entraîné dans les ruelles de Saint-Josse en me demandant d’expliquer mon projet. Deux rues plus loin, il s’est alors retourné vers moi en me disant qu’il ne pouvait pas m’aider. Puis,  il m’a planté là… Pourquoi m’avait-t-il éloigné de la mosquée et hypothéqué ainsi mes chances de rencontrer une âme bienveillante ? Je me suis mis à pester contre ce bonhomme. Soit.

Passé 19h, toujours rien. Plus de pistes, si ce n’est que celle de maintenir l’esprit ouvert.

C’est alors que quelques rues plus loin je suis tombé sur un collectif d’artistes. L’un d’entre eux  m’a indiqué un squat situé en centre-ville. Je m’y rends.

Un bon quart d’heure plus tard, je me trouve dans un des environnements les plus insolites de la ville. Sur 7 étages, une soixantaine de squatteurs vivent dans un bâtiment transformé en haut lieu de la lutte contre l’ordre établi. Ils forment le mouvement autonome. Très vite, certains me font comprendre que je n’ai pas de questions à poser mais qu’en revanche je peux passer du temps parmi eux. J’ai l’impression d’être dans un contexte post-apocalyptique parmi des survivants qui ne doivent leur survie qu’à la lutte qu’ils mènent contre des ennemis multiples. Chaque recoin des murs qui forment leur bastion, est bariolé de tags rappelant cette lutte.

Soudain, je repense à mon bonhomme qui m’avait éloigné de la mosquée. Peut-être que c’est moi qui aurait dû l’inviter à me suivre…

 

 

 

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